Après Las Vegas aux Etats-Unis, Macao en Chine et Singapour, c'est au tour de la Russie de se lancer dans un projet considérable de construction de zones dites "de divertissement" spécialement conçues pour accueillir des casinos, hôtels et infrastructures de repos afin de booster son tourisme et son économie.

Disparition des casinos de Moscou donnant lieu au projet de loi présenté par Vladimir Poutine

Après une série de contrôles effectuée par Vladimir Poutine en 2006 dans les établissements de jeu de Moscou, en raison de leur supposé "lien" avec la mafia géorgienne (même si aucune connexion n'a étée réellement prouvée pour le moment), 524 casinos et salles de jeux ont disparus.

C'est alors qu'il présente le projet de loi devant le Parlement russe visant à autoriser les jeux d'argent "propres" dans le pays. Plus tard dans l'année, les casinos ont été remplacés par la création de zones dédiées aux jeux d'argent semblables à celles de Las Vegas dans des régions en retard de développement.

Les quatre zones mini Las Vegas

Il voit en cette nouvelle stratégie une grande opportunité pour élargir son marché, voire même concurrencer Singapour, Las Vegas et Macao. C'est l'un des objectifs que le président s'est fixé sur le long terme.

Tout d'abord, les joueurs russes cesseront de voyager à l'étranger pour jouer au casino. Avec quatre mini Las Vegas locaux, il faut dire qu'ils ont l'embarras du choix.

Officiellement, les quatre zones étaient : Azov City dans le Krai de Krasnodar, Primorié dans le territoire du même nom, La Monnaie de Sibérie dans le Krai de l'Altaï et enfin Yantarnaya dans l'ouest de Kaliningrad.

Cependant, une nouvelle de dernière minute (à traduire dans votre navigateur) a annoncé la probable fermeture d'Azov City à moyen terme. Cela impliquerait en conséquence la disparition de trois casinos : l'Oracul casino, le Shambala casino et le Nirvana casino. Pour autant, même si l'information reste encore à confirmer, le président souhaiterait remplacer Azov City par la Crimée. Cette histoire est quand même difficilement compréhensible. En effet, dans le même temps, la société "Shambala" annonce qu'elle va ouvrir son deuxième casino, en Décembre, dans cette zone d'Azov City. Au vu de tous ces éléments, les discussions pour définir les contours de cette affaire risquent d'être plutôt compliquées.



La Russie compte donc ouvrir les quatre zones. Pour y parvenir,
elle cherche à attirer les investisseurs étrangers sur le territoire afin de développer une économie, mais aussi redynamiser les régions isolées. En plus des jeux, le développement du tourisme sera privilégié grâce à la création d'hôtels, de boutiques, d'infrastructures sportives, de repos...

Les zones 2 et 3 visent une clientèle asiatique aisée : les coréens, les japonais, et les chinois principalement. Connus pour être de grands fans de casino, ils ont pour habitude d'aller dans des destinations prestigieuses comme Las Vegas mais cela devient rapidement très coûteux. La distance et l'argent sont des facteurs qui motivent ce type de voyages. Les deux autres zones sont destinées aux joueurs Européens et du Moyen-Orient.

C'est le même phénomène pour les russes fortunés, souvent de Moscou, qui vont de moins en moins jouer dans des casinos étrangers à cause de la crise et la dépréciation du rouble. Comme nous raconte l'article de The Guardian, les casinos de la capitale de Biélorussie, Minsk, très prisés des joueurs russes qui représentent 80% de leur clientèle, voient leur fréquentation diminuer considérablement.

"Du fait de la proximité de leurs pays respectifs, les touristes chinois, japonais et coréens vont se rendre plus facilement dans ce cluster des jeux", affirme Alexeï Martynov, directeur de l'Institut international des Nouveaux Pays. A noter que les jeux d'argent sont interdits au Japon, réservés aux titulaires d'un passeport étranger en Corée du Sud et bannis du territoire chinois à l'exception de la zone de loisir de Macao.

La localisation des zones a soigneusement été définie par la Commission de la politique économique de l'esprit d'entreprise et du tourisme.

Le jeu n'est désormais autorisé que dans ces zones de divertissement. Elles ont été choisies à la fois pour leur potentielle clientèle des pays proches d'une part, d'autre part pour leur éloignement des grandes villes, ce qui implique la protection de la population contre les risques d'addiction liés aux jeux d'argent.

Ce dernier point est un réel problème sociétal en Russie. Bien que la Crimée, la Monnaie de Sibérie et Primorié soient des zones assez bien développées avec des établissements déjà construits ou à venir, on ne peut pas en dire long quant à la quatrième zone Yantarnaya.

  • La zone de divertissement n°1 : La Crimée


La Crimée rattachée à la Russie depuis mars 2014 et Sotchi ville-hôte des derniers Jeux Olympiques d'hiver, peuvent désormais accueillir des casinos et des jeux de hasard.

Selon les estimations d'expert rapportées par l'agence de presse russe Itar-Tass, les casinos pourraient rapporter jusqu'à 25 milliards de roubles (572 millions d'euros) par an.

Les contours de la nouvelle zone de jeu devront être délimitées par les autorités de la Crimée. Actuellement, elles penchent sur deux options possibles : une zone étendue sur toute la péninsule ou un Las Vegas local situé près des stations balnéaires de Yalta et Alouchta.

La zone possèdera très prochainement des infrastructures de divertissement (activités sportives, restaurants...), mais aussi de repos du type hôtels, spas, etc.

  • La zone de divertissement n°2 : La Monnaie de Sibérie


De son nom russe Sibirskaya Moneta, cette zone de jeux d'argent se trouve dans le district Altaysky, à 25 kilomètres de la zone économique spéciale "Buruzovaya Katoune".

La zone possède déjà un resort Casino & Hotel, L'Altaï Palace.

Crédits : Siberian Times

Le complexe a ouvert ses portes le 1er novembre de l'année dernière. Les chambres d'hôtel, le restaurant, le salon spa ainsi que les salles de jeux ont été mis à la disposition des joueurs le mois suivant.

Il abrite le casino Siberian Coin, qui mise sur le luxe : tapis de laine importés d'Italie, lavabos en or... tout ce qu'il faut pour attirer les joueurs. Côté jeu, il propose 16 tables et 20 machines à sous.

Crédits : Siberian Times

Le Royal Time Group, investisseur de l'Oracul Casino dans la zone d'Azov City qui a ensuite fermé, y prévoit aussi de construire son établissement en 2016.

  • La zone de divertissement n°3 : Primorié


La zone de Primorié est la plus importante, mais surtout la plus développée. Elle est située dans l'Extrême Orient russe, proche de la frontière avec la Corée du Sud, au nord de la Chine et à deux heures d'avion de Tokyo. La zone se situe à une cinquantaine de kilomètres de Vladivostok et s'étale sur une surface de 620 hectares.

Durant les quatre dernières années, les autorités russes ont dépensé plus de 1,76 milliards de dollars (soit 1,62 millions d'euros) afin de la transformer en une des prochaines capitales mondiales des jeux d'argent.

Cette zone a le plus suscité l'enthousiasme des investisseurs notamment des magnats du divertissement asiatiques. L'opérateur de casinos cambodgien NagaCorp et le chinois Lawrence Ho ont très rapidement manifesté leur intérêt. C'est d'ailleurs Lawrence Ho qui a récemment ouvert, par le biais de sa société Summit Ascent Holdings, le premier hôtel casino de la zone avec un investissement de 800 millions de dollars. Il s'agit du magnifique Tigre de Cristal.


Tigre de Cristal, le plus grand complexe Hotel & Casino de la Russie.

Il s'agit d'un hôtel-casino luxueux de 7 200m² similaire à ceux de Las Vegas. L'intérieur du casino a été décoré "à la chinoise", ce qui n'est pas un fait du hasard.

Il comprend 800 machines à sous, 15 tables de Baccara, 25 tables VIP et 40 tables de jeu classiques. A noter que le nombre de machines va être augmenté au fur et à mesure. Son hôtel dispose de 119 chambres et suites modernes.

Si Las Vegas s'est construit en plein désert, à Primorié c'est au milieu de la forêt que seront implantés les resorts. D'ici 2022, la zone possèdera tout ce qu'il faut en termes d'infrastructures pour le repos et les loisirs dans le même esprit que les villes concurrentes.

L'endroit accueillera 16 autres complexes casinos et hôtels 3, 4 et 5 étoiles comparables au Tigre de Cristal, un port, des équipements sportifs (piste de ski, terrain de golf), des villas et plages, un centre d'exposition, un immeuble de bureaux, plusieurs cinémas, piscines et restaurants.

L'ouverture du Tigre de Cristal près de Vladivostok est un grand évènement dans la vie économique de la zone. Le cabinet Global Market Advisors qui a étudié la viabilité du projet dans cette région estime que la zone produirait la troisième année 1,2 milliards de dollars de revenus et 5,2 milliards de dollars au bout de la dixième année. Ce qui la placerait dans le top 4 des destinations de jeux d'argent après Macao en Chine, Las Vegas et Singapour.

  • La zone de divertissement n°4 : Yantarnaya


Yantarnaya est idéalement située face à la Finlande pour cibler les joueurs européens. C'est la zone de divertissement la moins développée car son lancement a été repoussé jusqu'à 2016. Cependant, Royal Time Group, la compagnie qui a aussi investi en Crimée et à Azov City prévoirait de construire, d'ici 2029, un complexe de 267 000m² comprenant casinos, restaurants, bars et un hôtel.


Pour conclure, ces territoires devraient accueillir 9,45 millions de personnes et générer un chiffre d'affaires de 16 milliards d'euros.

La Russie frappe fort afin d'attirer les investisseurs. Le bail offert leur donnera le contrôle exclusif des terrains jusqu'au moins 2025 et la taxation du produit brut des jeux sera quasi nulle (contre 39% à Macao). En échange, les entreprises retenues s'engagent à développer l'emploi et le tourisme dans les régions.




SOURCES / SITOGRAPHIE


LE COURRIER DE RUSSIE - Manon Masset - "Faites vos jeux" : Vladivostok mise sur l'Asie (28/10/15)

SPUTNIK NEWS - Tatiana Tabounova - "Las Vegas et Macao bientôt concurrencés par les casinos de Vladivostok (17/01/15) & Landmakers pass bill on gambling zones in Russia" (20/12/2006)

CLUB POKER - [Russie] "La stratégie du gaming "à la russe"" (12/02/14)

FLINGUS - Sylvia H. - "La Russie veut devenir un leader dans les jeux d'argent" (26/01/15)

LE FIGARO - "Russie : les casinos autorisés en Crimée et à Sotchi" (23/07/14)

SIBERIA TIMES - "All in! Siberia’s first casino opens, complete with golden sinks" (08/11/14)

CALVIN AYRE - "Russia to scrap Azov-City gambling close three casinos" (31/01/15)